Découvrir Queen à travers leurs clips...Queen. 1971-1991. Vingt ans de musique. 16 albums. Queen. Trois musiciens anglais, John Deacon, Roger Taylor et Brian May, emmenés par une diva : Freddie Mercury. Brève histoire, en quatre temps, d’un groupe royal ayant fondé son immense succès sur la musique… et sur l’image.
1971 : Naissance et ascension
Tout d’abord, le contexte musical. Pendant les années 60, le rock appartient beaucoup aux Beatles, un peu aux Rolling Stones et vaguement à quelques autres. Bref, il appartient à des pionniers qui posent les jalons de la pop et développent une forme artistique proche de la perfection.
Sortant leur premier album officiel en 1973, les Queen arrivent donc trop tard pour être considérés comme de géniaux inventeurs. Qu’à cela ne tienne, ils seront de géniaux pasticheurs, proposant une musique baroque et démesurée, avec comme unique principe : le second degré et l’autodérision. Une musique qui se présente comme un joyeux fourre-tout, recyclant presque tous les styles, du hard-rock à la balade folk, de l’opérette à la musique arabisante en passant par le gospel.
Le courant musical développé par Queen a un nom : le glam rock, c’est-à-dire en français le rock décadent. Décadent car venant après la forme parfaite, décadent car fondé sur l’excès et la surcharge.
A cette époque, la musique seule ne suffit plus, il faut également travailler son image. Cheveux longs, maquillages, tenues improbables, les Queen seront des adeptes du travestissement, se créant un look particulièrement effeminé. Mais au milieu des années 70, les pochettes de disques ou les apparitions télévisées ne suffisent plus pour marquer les esprits. Queen va devoir inventer quelque chose à sa démesure : le vidéo-clip.
1975 : Opéras et clips
L’anecdote a fait date. En tournée, Queen ne peut se rendre à l’émission phare de la BBC Top of the Pops pour y chanter leur tube naissant « Bohemian Rhapsody ». Le groupe improvise alors en studio cette vidéo qui sera diffusée pendant l 'émission. Considérée officiellement comme le premier clip de l’histoire de la musique, la vidéo de « Bohemian Rhapsody » fait alors le tour du monde.
Comme le souligne certains effets vidéos de « Bohemian Rhapsody », les mêmes images vont se répéter à l’infini, comme en écho. Les Queen phantasment le don d’ubiquité et inventent la démultiplication. Désormais, les mêmes images seront diffusées non seulement partout mais également tout le temps.
Pour Queen, l’air du toujours plus s’ouvre. Il faut tout faire, tout vivre, le plus intensément possible, comme si tout cela pouvait finir d’un instant à l’autre. C’est la fuite en avant, le groupe frôlant bien souvent le grotesque et le mauvais goût, tout en l’assumant gaiement.
Il s’agit pour le groupe de foncer tête baissée dans la démesure avec un seul mot d’ordre : plus de limites.
1980 : Moustaches et cinéma.
Parvenu à un point limite, Queen amorce un virage avec l’album « The Game ».
Si la musique de Queen s’adoucit par rapport au hard rock des débuts, le look lui se durcit. Auparavant, le groupe jouait sur la féminité. Au début des années 80, Queen, et surtout Freddie Mercury, proposeront un look radicalement masculin. C’est le temps des cheveux courts, de la sueur et de la pilosité apparente. Et le temps de la moustache.
A cette époque, Queen tente à nouveau d’innover. En 1980, le clip « Save Me » est par exemple le premier à mêler prises de vues réelles et cinéma d’animation.
À la même période, Queen tente une incursion dans le cinéma en composant la bande originale du « Flash Gordon » produit par Dino de Laurentis. Plus tard, un titre des Queen servira au film ultra-militariste « Aigle de fer ». Et enfin, en 1986, le groupe composera la musique du film « Highlander » avec Christophe Lambert. Bref, les choix cinématographiques de Queen ne convaincront pas grand monde, leur musique n’ayant finalement inspiré que des sommets du cinéma kitsch.
N’ayant pas réussi à investir le septième art, Queen va alors intégrer le cinéma dans ses propres clips. En 1981, dans « Under pressure », ils citent le « Nosferatu » de Murnau. En 1984, dans « Radio Gaga, » ils reprennent des images du « Metropolis » de Fritz Lang. Après les modes musicales et les modes vestimentaires, c’est au tour des images de cinéma d’être absorbées et recyclées par le groupe.
« Radio Gaga » marque d’ailleurs un tournant. Cette fois-ci, il faut des décors de plus en plus grands pour accueillir de plus en plus de figurants. Après le vide des premiers clips, c’est maintenant le trop plein, le cadre se remplissant jusqu’au débordement. C’est le temps de la surcharge visuelle. Pour le groupe, les limites du clip sont à contester, tout comme les limites du cadre cinématographique, définies ici par les bandes horizontales du cinémascope. Dans « Radio gaga, » le cadre est décidément trop restreint pour la mégalomanie de Freddie Mercury. Le cadre est à élargir.
À la même époque, d’autres clips appuieront les rêves de grandeur collectif de Queen comme « It’s a Hard Life » et sa reconstitution d’une fête décadente, dans un décors rococo du plus bel effet, ou le clip « Who Wants To Live Forever » dans lequel Queen remplit son décor de deux mille bougies et invite rien moins qu’un orchestre philharmonique.
1989 : Rumeurs et crépuscule.
À l’aube des années 90, l’album « The Miracle » marque une cassure. Le groupe ne donne plus de concerts et n’apparaît plus à la télévision. C’est le début de la rumeur : Freddie Mercury serait atteint du sida.
Le groupe semble alors stopper sa fuite en avant. Après avoir imité les autres, c’est au tour de Queen d’être parodié dans le clip « The Miracle ». Devenus des icônes, les Queen préparent la relève, comprenant sans doute que la pop va bientôt se faire sans eux. Le groupe apprend donc à s’effacer. Il met en scène un passage de témoin avec la jeune génération et phantasme une certaine forme de réincarnation.
Février 1991. « Innuendo », dernier album officiel de Queen. La maladie de Freddie Mercury ne fait plus aucun doute. Les paroles des chansons ne trompent plus : l’album « Innuendo » est le testament du groupe. Chacune des vidéos en sera une émouvante confirmation.
Le clip « Innuendo » se présente comme un huis clos oppressant et morbide. Auparavant rempli de centaines de figurants, le cadre est cette fois-ci peuplé d’automates et de poupées. L’heure est aux masques, la vie ayant fuit ce qui n’est plus qu’un théâtre d’ombres.
Quelques mois plus tard, le clip « The Show Must Go On » confirmera cette forte impression de testament. « The Show Must Go On » condense tous les clips précédents du groupe, comme un ultime bilan. Queen sort ses propres archives. Après avoir tant recyclé les images des autres, le groupe boucle la boucle et se recycle lui-même. Queen devient un vestige. Pas encore tout à fait parti, mais plus vraiment là.
Il est temps d’en finir. Le 23 Novembre 1991, Freddie Mercury annonce officiellement qu’il est atteint du sida. Il meurt le lendemain à son domicile londonien.
L’histoire de Queen pourrait finalement se résumer à l’évolution de son chanteur. L’histoire d’un excentrique plutôt drôle, d’une sorte de clown assez génial, forcé d’apparaître finalement sobre, grave et sincère, n’ayant sur la fin plus d’autres choix que l’émotion. Au premier degré.
Quelques jours après sa mort, les télévisions diffusent un clip inédit du groupe, « These Are the Days of Our Lives », le dernier jamais tourné par Freddie Mercury, dans lequel il met en scène ses adieux. Cadre abstrait. Noir et blanc. Freddie Mercury apparaît le visage maquillé de blanc. Mais cette fois-ci, plus question de travestissement, le maquillage sert plutôt à effacer les stigmates de la maladie, transformant son visage en un masque mortuaire.
Mercury est le plus souvent seul dans le cadre, les autres membres du groupe ne faisant que l’accompagner pour lui laisser imprégner la pellicule le plus longtemps possible.
Les plans s’enchaînent en fondus enchaînés, dans la douceur. Comme par peur de la coupe, chaque plan se régénère à l’intérieur du précédent, chaque plan ne semble jamais vraiment finir, comme s’ils ne voulaient pas complètement mourir. À nouveau, Mercury phantasme une possible réincarnation que les dessins de chats sur sa chemise confirmeront : et si, comme le chat, Freddie Mercury était doté, lui aussi, de plusieurs vies ?
Enfin, derniers instants du clip, dernière image laissée par Freddie Mercury. La diva du rock réussit le plus beau des paradoxes : être immortel et puis… disparaître.
Source
Luc Lagier.
Texte du sujet « Queen » diffusé dans Court-Circuit (le magazine) #116.Le texte est magnifique, je mets les liens des vidéos correspondantes:-Bohemian Rhapsody:
http://fr.youtube.com/watch?v=2WgO3Pp9CWY-Save Me:
http://fr.youtube.com/watch?v=2alq9Q11w6U-Under Pressure:
http://fr.youtube.com/watch?v=yKnLr69mUOk-Radio Gaga:
http://fr.youtube.com/watch?v=GEI4U5KyAS0-It's a hard life:
http://fr.youtube.com/watch?v=YFwOe0EPOJs-Who wants to live forever:
http://fr.youtube.com/watch?v=Zo52T7uKOJU-The Miracle:
http://fr.youtube.com/watch?v=XrADb7CHDsc-Innuendo:
http://fr.youtube.com/watch?v=cpys1c3jCNs-The show must go on:
http://fr.youtube.com/watch?v=4ADh8Fs3YdU-These are the days of our lives:
http://fr.youtube.com/watch?v=YOJPvxgkvn8 
Accueil 
Ven 27 Juin - 10:55
!
.